dimanche, avril 08, 2007

Notes de lecture (VI): début avril 2007

© Huizenga/Horrocks/Ware/Nilsen - Fantagraphics/Coconino/D&Q


Quel plaisir que d'enchaîner les lectures de cinq albums aussi réussis!

1. Atlas #3 de Dylan Horrocks chez Drawn & Quarterly (en anglais)
J'ai, hélas, raté le second fascicule de cette série. Je n'ai cependant pas été trop perdu à la lecture de ces nouvelles planches de Dylan Horrocks, l'auteur de l'excellent Hicksville (qui vient d'être réimprimé à l'Association). Ce nouveau fascicule se compose de deux parties. La première nous propose de découvrir la suite des aventures de Dylan Horrocks à Cornucopia, un pays (imaginaire) qui n'est pas sans rappeler la Syldavie du Sceptre d'Ottokar. Cette autofiction peut se lire comme un prolongement des concepts élaborés dans Hicksville et nous invite à découvrir le mystère qui se cache derrière la production de bandes dessinées d'un pays balkanique au régime "répressif". La seconde partie du fascicule est consacrée au deuxième épisode des aventures de Sam Zabel and the Magic Pen (Sam Zabel est un personnage de la série Pickle qui apparaît aussi dans Hicksville). Dylan Horrocks partage avec nous le quotidien surprenant de cet auteur de bandes dessinées. Celui-ci doit en effet rendre des comptes à la superhéroïne dont il est l'auteur; il est incapable de lui écrire une aventure qui ne sombrerait pas dans les clichés du genre.

Des idées très bien exploitées et un style graphique de plus en plus abouti sont donc au menu de ce troisième Atlas (malheureusement plus fin que le premier)


2. Curses (hard cover) de Kevin Huizenga chez Drawn & Quarterly (en anglais)
Curses est paru en français sous le titre de Malédictions (voir ma chronique: ICI) chez Vertige Graphic/Coconino Press. Nombreux d'entre vous auront constaté mon affection particulière pour cet album. Je me suis donc empressé de l'acheter dans sa version "hard cover" publiée par Drawn & Quarterly afin de la faire trôner dignement dans ma bibliothèque. Je fus surpris de découvrir des récits supplémentaires à l'édition française. Ainsi on peut lire Case 0003128-27, Not Sleeping Together, The Hot New Thing et Jeezoh en plus des cinq histoires de la compilation de Vertige/Coconino. Ces récits ne représentent en tout qu'une petite trentaine de planches. Ces dernières sont parues précédemment dans la revue Or Else (chez D&Q) et elles ne sont pas aussi intéressantes que Green Tea ou 28th Street. Cette édition est sinon très bien réalisée; belle maquette, beau papier, bon format. Avis aux amateurs!


3. Big Questions #9: The Lost and Found d'Anders Nilsen chez Drawn & Quarterly (en anglais)
Dans sa série Big Questions, Anders Nilsen travaille sur un récit qui se rapproche bien plus de son superbe Des Chiens, de l'Eau (voir ma chronique: ICI) que de son moins réussi Monologue for the Coming Plague (voir ma chronique: ICI). Comme dans Dogs and Water, l'auteur nous plonge dans un univers en perdition. Un pilote de chasse écrase son avion en pleine steppe mais sur le toit de la seule bâtisse en bois à des kilomètres à la ronde. Perdu dans cette contrée inhospitalière, il devient un objet de fascination pour les volatiles des environs. Des moineaux le prennent pour un dieu volant, les merles estiment le temps qu'il faudra attendre avant de manger sa carcasse. Ces palabres animalières nous éloignent par contre des longs silences de Dogs and Water mais heureusement Anders Nilsen est un excellent dialoguiste. Ainsi les conversations de ses personnages sont souvent savoureuses. Bien entendu, le décès de la fiancée de l'auteur trouve un écho particulier dans ce numéro où l'on peut dénicher quelques références au mythe d'Orphée; l'oiseau Algernon tentant de ramener Thelma hors des ténèbres. J'ai savouré cet album ainsi que le suivant qui est de la main du même auteur mais dans un style tout différent.

4. The End #1 d'Anders Nilsen chez Fantagraphics/Coconino Press (en anglais)

The End #1 est le dix-septième numéro de la superbe collection Ignatz lancée par Igort à travers le monde. Ce volume devrait donc être bientôt disponible en français chez Vertige Graphic/Coconino Press. Je dois avouer que j'ai eu un peu peur du contenu de cet album en découvrant sa couverture. Cette dernière n'était pas sans rappeler les quelques expériences narratives que j'avais moins appréciées (cf. + haut: Monologue for the Coming Plague). Cependant, et à ma grande surprise, cet album est une vraie réussite. Les huit premières planches présentent le quotidien de l'auteur depuis le décès de sa fiancée. Anders Nilsen y dévoile la profonde tristesse qui le saisit lors de chacune des activités durant lesquelles il s'aperçoit de l'absence de sa compagne. Ce récit intitulé Since you've gone I can do whatever I want, all the time est tout simplement superbe. La deuxième partie du fascicule, bien plus expérimentale, est elle aussi très convaincante. L'auteur parvient en effet à nous plonger dans un poème à la fois graphique et narratif d'une grande beauté. Il joue avec des motifs visuels qui évoquent les errances de son âme depuis la récente "déconstruction" de sa vie. J'envisage ainsi Monologue for the Coming Plague comme une première tentative manquée et The End #1 comme sa version maîtrisée et pleinement aboutie.



5. The ACME Novelty Library #17 par Chris Ware chez Fantagraphics Books (en anglais)

Ce dix-septième volume de la prestigieuse série du génial Chris Ware présente le deuxième épisode consacré à son nouveau personnage nommé Rusty Brown et à ses proches. "Proches" n'est sans doute pas le terme le mieux adapté puisque comme dans Jimmy Corrigan le thème central de cette série est celui du manque affectif. Cependant, Chris Ware ne nous propose pas un réchauffé de Jimmy Corrigan puisqu'il s'attarde sur la représentation du mal-être adolescent. Les couleurs sont plus chaudes (alors que la ville est paradoxalement sous la neige) et les personnages plus attachants. Sans doute cette identification relativement rapide est liée au fait que nous partageons avec ces adolescents quelques souvenirs pénibles des affres de cet âge ingrat. L'auteur apparaît d'ailleurs dans la peau d'un professeur de dessin de la grande soeur de Rusty Brown. Cette implication directe a participé à la mienne. Une autre différence majeure avec son précédent projet tient de l'espace géographique dans lequel se déroule l'action. Chris Ware s'attache à la description d'une région bien particulière des Etats-Unis puisqu'il nous plonge dans une ville perdue en plein centre du pays. Les mentalités y sont différentes des deux côtes américaines et le désespoir semble gagner ses habitants bien plus vite que partout ailleurs. On n'est pas dans l'Elephant de Gus Van Sant ni dans le Bowling for Columbine de Michael Moore mais presque...

Chris Ware continue donc à produire une oeuvre magistrale, pour mon plus grand bonheur!

1 commentaire:

François a dit…

bonheur partagé concernant le Chris Ware. Et je viens de recevoir le dernier Optic Nerve qui promet une soirée tout aussi joyeuse.