vendredi, septembre 01, 2006

Notes de lectures (I): fin août 2006

Au vu de l'incroyable quantité de nouveautés annoncées pour cette rentrée de septembre, j'ai eu envie de publier quelques notes de lecture pour ceux qui aimeraient avoir un avis sur certains titres. Mon avis n'est bien entendu qu'indicatif et personnel. Vos réactions (coups de coeur et coups de gueule) sont les bienvenues dans l'espace "commentaires".

© 2006 auteurs et éditeurs respectifs

Libre comme un Poney Sauvage de Lisa Mandel (Delcourt/Shampooing) (sur Bulle d'air)
Ok, j'ai honte. Je n'avais jamais lu le blog de Lisa Mandel avant de découvrir cet album qui compile ses posts d'août 2005 à mars 2006. Et alors? Ca arrive même aux meilleurs... Et puis je tiens à dire que j'avais quand même lu Nini Patalo et Eddy Milveux (qui sont très chouettes). Merci donc à Lewis Trondheim d'avoir publié ce blog en album dans sa collection Shampooing (et d'apporter de nouveaux formats chez Delcourt) pour les retardataires dans mon genre. Lisa Mandel évoque son voyage en Argentine avec humour, autodérision et surtout un langage des plus fleuris. Je n'ai pas le sentiment que j'ai vraiment découvert l'Argentine mais au moins je me suis bien amusé. C'est dans le ton du moment (cf. Frantico et Boulet) mais avec une femme derrière le crayon. Comme le signale Lisa Mandel, c'est donc truffé "de sensibilité, de finesse, de poésie, de spiritualité, de nobles intentions, d'une certaine grâce fragile, de problématiques différentes et magnifiquement complexes". Haha. Surtout la finesse!

La Sirène des Pompiers d'Hubert & Zanzim (Dargaud/Poisson-Pilote) (sur Bulle d'air)

Un one-shot dans la collection Poisson-Pilote, c'est une bonne nouvelle en soi. Une nouvelle qui s'annonce d'autant plus agréable si l'on sait que cet album est scénarisé par Hubert (dont j'avais bien aimé le Miss Pas Touche #1). L'installation de l'album est assez accrocheuse, l'univers bien installé. Paris, fin XIXième. Gustave Gélinet, un jeune peintre dont les débuts ont été fort critiqués, connaît soudain un succès foudroyant grâce à un tableau représentant une sirène. Cette toile surprend tous les critiques par la qualité de son rendu réaliste. Fulmel, le détracteur le plus féroce de Gélinet, est persuadé que le peintre est dénué de toute imagination artistique et qu'il ne peut donc avoir réalisé cette oeuvre au thème mythologique. Fulmel a à la fois tort et raison. Si Gélinet est bien l'auteur de la toile, il n'a pas imaginé la créature. La sirène existe bel et bien, cachée à l'abri des regards indiscrets dans l'atelier de l'artiste. Mais la curiosité du critique d'art, les ambitions du peintre et les désirs de la sirène vont mettre la pérénnité de ce fragile secret en péril. Le récit s'annonce donc prometteur mais il souffre hélas d'un problème de rythme. Ou plutôt de "souffle". J'ai le sentiment qu'il y a certaines longueurs et quelques rebondissements mal gérés. La lecture reste agréable dans l'ensemble et le trait de Zanzim s'accorde bien au ton mais l'album ne m'aura pas séduit comme le premier Miss Pas Touche.


Le Sang des Voyous de Loustal & Paringaux (Casterman) (sur Bulle d'air)

Loustal nous revient avec de grandes images. Des images qui marquent par la justesse des plans choisis. Toujours le plan de Loustal complète le texte de Paringaux, le souligne par un rappel ou le sublime. C’est une nouvelle leçon d’«écriture bande dessinée » que nous offre ce duo à qui l’on doit déjà Kid Congo et La Nuit de l’Alligator. La forme est donc parfaitement maîtrisée et fait honneur au « Neuvième Art ». Mais l’esthétique n’est pas tout et le récit doit encore convaincre. Il nous fait emprunter les pas de Louis, un tueur à gages dont la route s’achèvera bientôt. Louis est malade. Ses jours sont comptés. Il trouvera cependant la force de quitter le mouroir où il gît pour tenter d’accomplir un dernier contrat, un contrat qu’il a passé avec lui-même. Si Moebius signalait qu’on pouvait imaginer « une histoire en forme d’éléphant, de champ de blé, ou de flamme d’allumette soufrée », Paringaux a conçu la sienne en forme de rose. Des épines de cuivre et des pétales de sang jailliront inexorablement tout au long de la traque menée par Louis. Bon, je vais arrêter mes métaphores à deux francs cinquante et vous dire que j’ai beaucoup aimé. Je pourrais aussi dire que j'ai trouvé un petit côté Dark Knight Returns à cet anti-héros vieillissant dont le corps en ruine est animé par une détermination aveugle. Mais là aussi je ne vais pas me perdre dans une comparaison du même tonneau que mes métaphores. Bref, du grand Art. Seul bémol: j'ai eu un sentiment de "déjà vu" pour certaines séquences de l'album. J'ai dû trop souvent regarder les films de Kitano...


Monologues for the Coming Plague d'Anders Nilsen (Fantagraphics).

Avec cet album (uniquement en v.o. anglaise), Anders Nilsen nous emmène bien loin de son superbe Des Chiens, de l’Eau (Actes Sud). L’album volumineux compile deux carnets de croquis où se succèdent plusieurs séries de dialogues improbables. On y retrouve des oiseaux à la répartie surprenante (comme dans ses Big Questions), un débat délirant sur la sémiotique et des mini-récits totalement décalés. Quelques séries de dessins fonctionnent sur un système de running-gag assez réussi, d’autres pas du tout. L’ensemble est dessiné de manière très naïve et minimaliste (un dessin par page). C’est donc vite lu (mais ce n'est pas un reproche) et assez peu convaincant au final (surtout pour 18.95 $). Cette déconstruction est sans doute liée à la période de troubles qu’a vécu l’auteur suite au décès de sa compagne. L’album autobiographique qu’Anders Nilsen a écrit suite à ce drame devrait bientôt être disponible (Don’t Go Where I Can’t Follow chez Drawn & Quarterly) et s’annonce plus intéressant.


Cosmos de Kim Sung Yun (Dargaud/Made In) (sur Bulle d'air)

J'ai été assez séduit par la couverture et les quelques planches rapidement feuilletées de cet album coréen. Les couleurs directes posées avec beaucoup de talent avaient tout pour séduire. Hélas, ce recueil d’histoires courtes ne m’a finalement pas convaincu outre mesure. J’ai décroché un peu plus à chaque histoire, sans doute à cause du côté un peu « fouillis » de cette compilation. Notons cependant que l’utilisation de la couleur est assez remarquable tout comme le rendu de quelques scènes érotiques. L’auteur s’amuse aussi avec quelques expériences narratives intéressantes. J’espère que toutes ces qualités pourront s’exprimer de manière plus aboutie dans un prochain album.


Le Retour à la Terre #4 de Jean-Yves Ferri & Manu Larcenet (Dargaud/Poisson-Pilote) (sur Bulle d'air)

A la sortie d’un nouveau Retour à la Terre, je me retrouve dans une situation terrible. Pareil pour Sandra. Qui de nous aura le privilège de le lire en premier en rentrant à la maison ? Je suis parvenu à mettre le grappin dessus, Sandra préférant se le réserver pour clore notre soirée-lecture. J’ai bien aimé même si j’ai un peu moins ri que pour les précédents. Mais j’imputerai cela à la fatigue car l’alchimie continue à opérer entre Ferri et Larcenet. Je me suis quand même bien amusé avec Sandra lorsque nous avons passé en revue nos gags préférés. La série garde donc un bon niveau et reste l’une de mes favorites tant ces tranches de vie de couple me semble bien observées. Et je ne crois pas que je dois m’éterniser sur ce titre qui a déjà très bien été défendu et mis-en-avant.


Lucha Libre #1 de Bill & Jerry Frissen avec Tanquerelle, Fabien M., Ines Vargas, Gobi & Witko (Humanoïdes Associés) (sur Bulle d'air)

Ce petit fascicule au format "américain" m'aura fait passer un très agréable moment. Et mon problème pour cette chronique, c'est que Lucha Libre, ça ne se résume pas; ça se lit! Mais bon, je vais faire un effort pour les plus sceptiques. Disons que cet univers déjanté où une bande de cinq copains aux masques de catcheurs mexicains affrontent des loups-garous en plein quartier résidentiel paumé de Los Angeles tandis que deux martiens s'exclament, l'air grave, devant un dinosaure errant dans la ville: "Le grand Ballet cosmique se met en place...". Il y a un côté Bill Plympthon qui... Non. J'ai dis que j'arrêtais les comparaisons... C'est tout simplement un bon gros délire qui tient la route (eh oui). Car cet univers a sa propre cohérence (si si) et surtout un ton qui permet de s'y plonger et ne plus vouloir en sortir. Le tout est servi par une "dream team" composée de Jerry Frissen, le scénariste des Zombies qui ont mangé le Monde (un Belge qui sait rire de sa belgitude, ça fait du bien à l'heure où Delcourt sort ses "blagues belges"), Bill & Gobi (au dessin bien pêchu), Tanquerelle (dit "le Talentueux" qui signe des gags en une planche), Witko (l'auteur de Muerto Kid aux Requins Marteaux qui signe lui aussi des histoires courtes) ainsi que Fabien M. et Ines Vargas. J'attends la suite avec impatience. GOJIRA!


London Calling #1 de Sylvain Runberg & Phicil (Futuropolis/"32") (sur Bulle d'air)

Là aussi, ce fut un petit rayon de soleil. Trop bref hélas! Il y a une vraie frustration quand on referme la dernière page de ce premier chapitre (sur neuf prévus). Le découpage de Phicil, l'auteur de Georges Frog #1, est d'une grande fluidité. Son dessin rajoute au plaisir des yeux. Tout comme les très belles couleurs de Drac. Le scénario de Sylvain Runberg nous plonge dans le Londres du début des années '90. Nous découvrons la capitale au travers des yeux de Thibault, un jeune Français de 20 ans qui a décidé de s'y installer avec un ami. Il garde en mémoire l'excellent souvenir d'un voyage qu'il y a fait précédement. Mais la situation a bien changé depuis son permier séjour et le Londres qu'il va retrouver est moins accueillant que prévu. Les complications s'enchaînent durant le voyage mais ne semblent pas émousser la volonté de Thibault qui est animé par l'effervescence propre à la scène musicale de l'époque. Un vrai plongeon dans la nostalgie. Et puis c'est pas cher (4.90€) !

A+

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